Variétés paysannes Des blés de population pour une farine locale
Le Gaec de la Ferme enchantée cultive des variétés paysannes de céréales panifiables, dans le cadre d’une filière locale en cours de structuration.
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La hauteur des épis qui lui frôlent l’épaule ne surprend plus Jean-François Excoffier, qui s’apprête, en ce 19 juillet, à attaquer la moisson. Dans la parcelle de cet agriculteur bio, installé à Sales, en Haute-Savoie, sont mélangées cinq à dix variétés dites anciennes. « Leur proportion a varié au fil des ans, indique-t-il. Chaque année, on ressème une partie de la récolte. Une sélection naturelle s’opère. »
Une grande demande
Le Gaec, où Maud Montagard l’a rejoint l’an dernier, produit du lait avec 20 vaches sur 38 hectares. À côté des surfaces dédiées au troupeau, ils ont cultivé cette année 4 ha de blés de population et 1 ha de grand épeautre doré, vendus à un meunier-boulanger. « Il y a huit ans, j’avais semé un hectare de blé panifiable, juste pour essayer, raconte Jean-François. On m’a parlé de Paul Rochet, un meunier-boulanger qui recherchait du blé bio local. Il m’a acheté mes 35 quintaux et m’a parlé des variétés anciennes, de l’épeautre… » Et le boulanger d’acquiescer : « Il y a une énorme demande pour ce type de céréales. Mais elles sont plus dures à travailler, autant au stade de la culture que de la panification. »
L’agriculteur s’est lancé l’automne suivant. Il a récupéré chez un collègue quelques kilos de semences paysannes, qu’il a semées et multipliées. Et s’est heurté à un problème. « Même si la production de paille est intéressante pour l’élevage, leur longueur entraîne des risques de verse », explique-t-il.
Sélection à la ferme
En 2017, Jean-François récupère 2 kg de semences paysannes de variétés résistantes à la verse. « En 2018, j’ai ressemé 20 kg issus de cette multiplication. Deux ans plus tard, j’ai semé mes 4 ha avec ces mélanges résistants. » Les surfaces complémentaires, jusqu’en 2020, restaient semées avec le mélange initial. « Elles versaient, mais il restait toujours quelques épis debout. J’ai donc tenté une sélection empirique. En 2019, on a ramassé ces épis à la main avant de récolter. » Les agriculteurs obtiennent 1,5 kg, qu’ils ressèment. Bonne surprise : « Tout est resté debout, on a obtenu 45 kg, 30 fois plus que la quantité semée. Cela nous a permis de semer l’année dernière 4 000 m², la surface minimum pour récolter à la batteuse. »
Les rendements sont modestes : 20 à 25 q/ha. Mais à 750 €/t, le grain est bien valorisé. Le son (environ 200 kg/t de blé) est racheté pour les vaches à 250 €/t. Sans calculer son coût de production, Jean-François adopte une gestion économe : longévité du matériel, autoconstruction, raisonnement des interventions, achats d’occasion (comme le trieur à 4 000 €)…
Dans le cadre d’une filière locale en construction, le Gaec vient d’acquérir un moulin, pour un peu plus de 15 000 €, qui sera livré en décembre. Mutualisé avec d’autres agriculteurs, il permettra de passer à l’échelle supérieure pour répondre au marché en croissance. Bérengère Lafeuille
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